Monsieur le Préfet

Centre Administratif des Alpes-Maritimes

 

Route de Grenoble

06 286 NICE Cedex 3

 

 

Nous avons pris connaissance des conclusions motivées déposées par le Commissaire enquêteur à l’issue de l’enquête publique relative à la demande d’autorisation de la valorisation énergétique de déchets (incinération de déchets industriels) déposée par les Ciments Lafarge à Contes, d’une part, et d’autre part du mémoire en réponse déposé par le demandeur, la Société Lafarge.

Ce mémoire comporte un grand nombre d’inexactitudes, de fausses informations, voire de mensonges ; nous ne pouvons pas tout relever ligne à ligne, mais nous ne pouvons rester sans réagir sur les éléments les plus criants.

 

La station QUALITAIR (2. page 3)

Les observations de Lafarge ne concerne que les poussières et ne font pas état du dioxyde de soufre SO2. 

Lafarge dit que la pollution est due au trafic automobile ; certes celui-ci influence les mesures mais il faut observer que les relevés de QUALITAIR des pics de SO2 et de poussières qui ne peuvent pas être imputables à la circulation automobile, considérant les horaires de ces pics de pollution, conférer les relevés ci-joints à titre d’exemples,

-        5 novembre 2003 : pollution SO2 -60µg/m3- et poussières -252µg/m3 au Pilon et 423µg/m3 à la Roseyre- entre 12H et 14H locales

-        12 décembre 2003 : pollution SO2 à 12H30 -40µg/m3-

-        13 décembre 2003 : pollution SO2 à 13H30 -29µg/m3-

-        08 janvier 2004 : pollution SO2 à 4H00 du matin -13µg/m3-

-        four à l’arrêt, les relevés du 04 au 08 février 2004 démontrent l’impact réel des pollutions en S02 du trafic routier et autres sources, évoluant entre 3 et 9, contrairement aux affirmations de Lafarge ; la différence constatée avec les mesures ci-dessus est due au fonctionnement de l’usine.

-        La liste des relevés anormalement élevés en S02 notamment pourraient continuer, 18, 19, 20, 25 juin-305µg/m3de poussières à 10H- 26, 27, 28, 30 juin 2004, 1er, 5, 11, 12, 13 juillet 2004.

Lafarge s’appuie sur la 2ème étude Carrega qui manque singulièrement d’objectivité puisqu’elle attribue 4 à 5 µg de pollution poussières à l’usine Lafarge.

 

La hauteur de la cheminée (3. page3)

Lafarge manque de tout bon sens et confond risque de pollution avec réglementation :

 

·       pour faire avaler les lacunes et les erreurs du dossier, Lafarge invoque le fait que pour des raisons diverses , il n’est pas tenu d’appliquer la  réglementation avant …2005 ou même 2008.  Ces considérations font conclure à Lafarge qu’il ne pollue pas pour l’instant !

·        Pourtant, si la réglementation évolue en fonction des connaissances nouvelles, cela ne veut pas dire que la pollution n’existera qu’à partir de 2008, mais simplement qu’on accorde des délais de mise aux normes des installations existantes.  Nous proposons en application du principe de précaution, de viser à respecter immédiatement la réglementation prévue.

 

Odeurs (5. page 5)

Lafarge prétend qu’il est possible mais pas systématique qu’une odeur se fasse sentir pendant un moment, mais reconnaît utiliser des combustibles à 7 % de soufre, faire le rapprochement avec les mesures ci-dessus.

7% de soufre, il ne peut s’agir que d’un combustible, type brai lourd (déchet industriel) issu des fonds de cuve des raffineries de France ou d’ailleurs.

 

Lafarge a du mal à percevoir les odeurs :

L’usine génère régulièrement des odeurs soufrées qui font l’objet de nombreux appels de la part de la population : Lafarge ne sent rien du tout, et indique que les odeurs n’existent pas ou bien proviennent de son concurrent Vicat…alors que les relevés de Qualitair font état d’une pollution dans la vallée de Contes pour la période concernée du 05 au 10 juin.

Lafarge n’ayant manifestement pas de nez propose d’en recruter parmi la population afin de nous aider à identifier la cause des odeurs.

 

Les contacts avec les riverains (6. page 5)

La suppression du clapet d’équilibrage du broyeur cru a effectivement été constaté par Mme Alduini mais si cela a été fait, c’est le résultat de plusieurs années de lutte et de procédures.

 

Emissions à la cheminée (7. page 5)

Lafarge prétend qu’il n’y a aucune pollution supplémentaire engendrée par l’incinération de boues, c’est faux, la démonstration n’est pas établie dans le dossier, dans la mesure où Lafarge ne prend en compte aucun des polluants majeurs tels que dioxines, PCB, furanes, métaux lourds, NOX…en comparaison avant puis après les périodes de brûlages, en mesures cumulées au sol.

Les mesures en continu à la cheminée ne peuvent pas être prises en compte puisqu’on ne peut pas contrôler les produits incinérés.

Par ailleurs il faut relever que les « boues de Grasse » classées déchets non dangereux depuis la nouvelle nomenclature de 2002 étaient depuis 1997 appelées Déchets industriels spéciaux ou DIS : les DIS étaient alors classés déchets dangereux. Aujourd’hui le classement des boues en déchets non dangereux est une décision administrative sans justification scientifique (11. page 7 : catégories de déchets)

 

Emission de vapeur d’eau (8. page 6)

Lafarge cache ses rejets derrière un « écran de fumée », pardonnez ce jeu de mots un peu facile, pour dire simplement que Lafarge présente les données de façon très partielle et partiale, prenons l’exemple des rejets en eau.

De l’eau, direz-vous, ce n’est pas un polluant. Et pourtant l’eau condense au fond de notre vallée, retombe pratiquement sur place et entraîne poussières, métaux lourds et retombées acides.

 

Lafarge présente alors un calcul en prenant comme base une feuille A4 par jour, ce qui permet de limiter les retombées à quelques gouttes…

A l’évidence, les riverains observent pourtant une très grande quantité de rosée (ou de givre) le matin dans les alentours de l’usine : il s’agit en fait d’un véritable micro-climat.

Nous, nous considérons qu’une propriété agricole fait en général plus qu’une feuille A4, et au risque de nous répéter, que les polluants s’accumulent et qu’il convient plutôt de prendre en compte les rejets annuels.

 

Si nous prenons une hypothèse d’un km² particulièrement concerné :

290 t  x  1000 litres  x  365  jours  = 105 850 000 litres  soit  1 058 500  litres d’eau polluée pour arroser une propriété d’un ha.  Et ceci dans l’hypothèse d’un maintien des conditions actuelles.

Dans l’hypothèse d’un brûlage de déchets riches en eau, il est évident que ces quantités seraient augmentées d’autant (boues d’épuration, et même huiles de vidanges récupérées dans les conteneurs de récupération et souvent contaminées par d’autres produits souvent riches en eau – source ADEME)

 

Boues d’alumine (9. page 6)

Comment avoir confiance dans les engagements de Lafarge ?

L’arrêté de 1997 ( !) lui faisait obligation de stocker les boues d’hydroxyde dans un délai de six mois dans un hall couvert et étanche au sol …

En juillet 2003, les boues étaient toujours stockées en fond de carrière…

Des mesures de lixiviations auraient été faites par qui quand et comment ? elles n’apparaissent nulle part !

S’il n’y a aucun risque pourquoi exiger qu’elles soient stockées dans un lieu étanche ?

Il a fallu cette nouvelle demande de brûlages pour que Lafarge observe la réglementation et tiennent compte des observations des associations.

 

Le bruit (12. page 7)

Lafarge n’entend pas les bruits.

En réponse aux nombreux appels concernant les explosions des mines de la carrière, Lafarge s’étonne et répond ne rien entendre ni ressentir L’industriel  propose systématiquement de placer des … sismomètres  pour nous aider à comprendre la cause des bruits mystérieux entendus et des secousses..

 

Dioxines et métaux lourds (14. page 8)

Lafarge persiste à prétendre contre toute évidence, que l’usine ne génère aucune pollution. 

Lafarge a du mal à lire les documents :

Les analyses commandées par Lafarge font état de présence de dioxines, de furanes et de métaux lourds dans tous les produits analysés.

Pour les mesures de pollution dans l’environnement proche, la présence de dioxines est indéniable alors que Lafarge signale qu’il n’y a rien. Il suffit pourtant de lire le document ci-joint provenant de la société Carzo, mandatée par Lafarge pour constater le contraire.

Certes, les taux sont pour l’instant inférieurs aux limites tolérées et rien ne permet de préciser la part de Lafarge dans  cette pollution. Cependant la pollution existe et nous considérons qu’en cas de brûlage de déchets, ces limites seraient très vite dépassées. En effet, l’incinération est source de dioxines, et toutes les installations qui pratiquent de la co-incinération multiplient largement les rejets de dioxines.

 

Cela serait peut-être sans conséquence dans une région inhabitée et dépourvue de production agricole, ce qui n’est pas le cas.

 

 

Les eaux de laboratoires photographiques (17. page 9)

 

Quand nous cherchions à savoir qui devrait fournir des résidus photographiques, Lafarge croyait qu’il s’agissait de la société Fuji ; à présent Lafarge nous cite la Société Kodak (Marseille) et le laboratoire Riccobono (Var) ?

Où est la vérité ?

Nous adhérons aux observations faites par le Commissaire enquêteur sur les eaux de laboratoires photographiques fondant son avis défavorable. 

 

Les huiles de vidange (20. page 10)

 

Lafarge met en avant que les huiles de vidanges seraient moins nocives que certains brais : c’est possible (bien que non démontré) , mais on pourrait tourner cela autrement : disons que les  brais sont peut-être parfois encore plus polluants que certains déchets. Cela ne serait pas étonnant puisque les brais sont eux-mêmes des déchets de raffinerie. Cela signifie, que même sans déchets ajoutés, la pollution est préoccupante, mais cela ne justifie en aucun cas le brûlage d’autres déchets.

 

A ce propos, certains pourraient être tentés d’autoriser le brûlage des huiles, arguant que celles-ci ne seraient pas plus nocives que les carburants déjà utilisés : cet argument est insidieux pour les raisons suivantes

- Cela implique d’entériner  un niveau de pollution déjà élevé au lieu de prendre des mesures pour diminuer celle-ci

- Cela créerait un précédent qui appellerait toujours plus d’huiles à brûler

- Cela fermerait définitivement la porte à la recherche d’autres solutions que le brûlage en cimenterie.

- La variabilité des huiles de récupération  (souvent contaminées par des éléments indésirables) causerait une mauvaise maîtrise de la combustion avec comme conséquences, des arrêts du four, une augmentation des rejets (mal brûlés), voire une perte de qualité du ciment …

 

Pour préserver le développement durable, il est nécessaire de refuser sans concession, le brûlage des huiles et de tout déchet à Contes.

 

Annexe 31 Document Paillons Environnement page 43 et 48

 

Dans le dossier d’enquête publique Lafarge a oublié de mentionner  (dans une fameuse – ou fumeuse – réprésentation en camembert  dont les mensonges par omission seraient paraît-il destinés à « éviter les propos alarmistes »)  l’abondance de rejets de CO,  gaz extrêmement toxique, indice d’une combustion incomplète.

Le chiffre de 720 t  rejetées en 2002 est à présent  contesté par Lafarge qui  invoque  « des erreurs de saisie » de la Drire…

 

Lafarge ne sait pas compter :

La DRIRE, contactée le 13/07 à propos du CO, nous a d’abord indiqué qu’il n’y avait aucune erreur de saisie de leur part- à Marseille : M. Jean-Luc Rhul , à Nice : M. Philippe Scourzic -

Puis, un peu plus tard,  la DRIRE de Nice nous a précisé que Lafarge avait fait des erreurs de calcul sur ses tableurs pour traduire les données journalières en données mensuelles…

Qui se trompe ? qui trompe-t-on ? combien exactement de ce gaz est-il rejeté ?

 

Le fait que ce gaz soit l’indicateur d’une combustion incomplète va totalement à l’encontre des assertions  concernant une totale destruction des déchets au cours de l’incinération…

Erreurs de saisie, erreurs de calculs (calculs en ligne depuis deux ans cependant) …   Qui peut encore considérer comme crédibles les autres données fournies par Lafarge ???

 

 

Lafarge cimente ses relations avec la Mairie de Contes, avec le Maire de Contes ou le Parti Communiste en citant :

- le rapport Carrega, commandé par la Mairie de Contes  démontrant la prépondérance du trafic routier sur les enregistrements des stations,

 

- l’expérience de l’usine dans le brûlage des déchets entre 1998 et 2002 mettant clairement en évidence qu’il n’y a aucune différence au niveau des émissions à la cheminée, que l’usine fonctionne avec ou sans résidus : Affirmation relayée par le Conseil municipal de Contes et par La Lettre du Paillon élevant  l’un et l’autre au rang d’expert en incinération de déchets,

 

 - la grande expérience de l’usine dans la combustion des boues de station de Grasse et de ses 4 ans d’expérience que démontrent l’impact inexistant sur les émissions confirmé par la Mairie de Contes elle-même,

 

- la position de la cellule du Parti Communiste à Contes qui est cité comme particulièrement intéressante et qui reconnaît ouvertement que l’expérience de 4 ans de brûlage d’huiles et de boues de parfumeurs n’a eu aucun impact sur les émissions de l’usine élevant la cellule du Parti Communiste de Contes en expert « es-déchets »

 

On pourrait se demander si ce n’est pas une façon pour Lafarge de se prémunir au cas où il serait démontré que les brûlages des déchets sont bien plus dangereux que Lafarge veut bien le reconnaître.

 

 

                                                        

En conclusion,

 

Il est compréhensible que Lafarge, intéressé financièrement par le brûlage des déchets en vante les mérites et en minimise les risques ; cependant  cela ne justifie pas tant de mauvaise foi, de désinvolture,  et d’erreurs qu’elles soient volontaires ou fortuites.

 

Le choix du brûlage comme moyen d’élimination des déchets n’est plus envisageable actuellement

- Dans l’absolu, cette méthode n’est plus compatible en 2004 avec le développement durable

(protection de l’atmophère, réduction des gaz à effet de serre…)

- Localement, la cimenterie Lafarge n’est pas appropriée à l’activité d’incinération.

 (urbanisation galopante, développement de l’agriculture, situation géographique et climatique, installations techniques inadaptées...)

 

Ne mettons pas en place un engrenage qui établirait durablement la vallée du Paillon comme site officiel et inéluctable d’élimination des déchets ;  le risque en est un accroissement continu des quantités incinérées avec l’abandon définitif de la recherche d’autres solutions, une telle recherche ayant alors perdu toute raison d’être.

 

Anticipons  et entrons résolument dans une approche moderne de la gestion des déchets montrant à l’avenir et à l’Europe que notre région est enfin prête pour un véritable développement durable, ce qui passe par la  réduction des déchets à la source, le tri sélectif, la régénération et la recherche d’autres techniques qui devront être développées, à condition de faire dès aujourd’hui les choix de société nécessaires et de s’en donner les moyens …

 

Nous adressons copie de cette lettre à M. le Commissaire enquêteur pour information.

 

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Préfet, notre parfaite considération.

 

 

                                                                       Contes, le 13 juillet 2004

L’Association Paillons Environnement

Le Conseil d’administration

 

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